Interview accordée par l’Ambassadeur Lu Shaye à France 2 Le 3 février 2022, l’Ambassadeur de Chine en France Lu Shaye a accordé une interview à France 2 sur les Jeux olympiques d’hiver de Beijing 2022, la question liée au Xinjiang et la lutte chinoise contre la COVID-19,dont le contenu est le suivant : Q : Bonjour et bienvenu au Télématin, Monsieur l’Ambassadeur. R : Bonjour. Q : On le voyait dans le journal avec notre envoyé spécial à Beijing, de nombreux pays ont choisi une forme de boycott diplomatique de la cérémonie d’ouverture : les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada. Qu’est-ce que vous répondez à ces pays qui n’assisteront pas à l’ouverture des JO demain ? R : Ils ne sont pas nombreux. Ils sont seulement quelques pays. Alors que plus d’une trentaine de chefs d’État et de gouvernement et de dirigeants des organisations internationales vont participer à la cérémonie. Q : Ça ne vous contrarie pas que les Américains ne viennent pas ? R : Pas du tout. Parce que ces dirigeants qui participeront à la cérémonie représentent tous les continents de la planète, de l’Asie, de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique latine. Q : Vladimir Poutine, le président russe, sera demain à Beijing. La France a choisi une solution intermédiaire. Emmanuel Macron ne vient pas alors qu’il était venu à Tokyo pour les Jeux d’été au mois d’août. La ministre des Sports Roxana Maracineanu ne sera pas là à la cérémonie d’ouverture, mais elle sera là pendant la compétition. Comment vous comprenez le message envoyé par Paris ? R : La Chine souhaite la bienvenue aux représentants de la France aux JO d’hiver de Beijing. Madame la ministre va se rendre à Beijing. Mais je ne sais pas pourquoi elle ne participera pas à la cérémonie. J’ai suivi la presse, elle va soutenir les athlètes français, mais c’est à la cérémonie où les athlètes français feront leur première apparition à cette édition des JO. Q : Elle ne vient pas, parce que finalement c’est une façon d’être là et en même temps d’être pas là, peut-être très macronien, et de dire qu’on ne soutient pas la répression contre les Ouïghours, le Tibet et Taiwan. R : Ce sont des excuses boiteuses. En France vous avez un adage « ménager la chèvre et le chou ». Mais enfin on n’arrive pas à cet objectif, peut-être on n’aura ni chèvre ni chou. Q : Ça veut dire qu’on se fâche avec vous ? Vous nous mettez dans la liste des pays qui boycottent avec cette position ou pas ? R : Non. La France est le pays qui va envoyer une représentation à la Chine. Le peuple chinois accueille chaleureusement tous les invités du monde. Q : Comment vous qualifiez la France aujourd’hui? C’est un pays ami, un partenaire, un allié, ou un interlocuteur dont il faut se méfier ou un adversaire ? R : La Chine considère toujours la France comme notre partenaire stratégique global. Q : C’est un pays ami ou pas ? R : Bien sûr, c’est un vieil ami et un partenaire. La France a été le premier grand pays occidental à établir des relations diplomatiques au niveau d’ambassadeur avec la Chine. Q : Est-ce qu’il y aura des sanctions contre les pays qui boycottent diplomatiquement, les sanctions économiques peut-être ? Quelle sera la réponse de la Chine ? R : Je n’ai pas entendu qu’il y aura des sanctions et je ne pense pas. Parce qu’ils viennent ou pas, c’est leur propre choix. Q : Il y a une dizaine de jours, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution qui dénonce, et les mots sont importants, le génocide des Ouïghours en Chine. Dans le texte, on trouve aussi des mots comme crime contre l’humanité. Il affirme que plus d’un million d’Ouïghours sont actuellement internés dans des camps de travail forcé. Est-ce qu’ils ont raison de dire ça ? Est-ce que la Chine nie qu’il y a un génocide des Ouïghours en cours ? R : L’ambassade a déjà fait une déclaration pour condamner le plus vigoureusement et exprimer notre opposition la plus ferme à cette résolution. Nous considérons que c’est un geste abstrait et insensé vis-à-vis de la Chine, a fortiori que cette résolution repose sur des mensonges que la Chine a démentis pour la énième fois. Q : Si des parlementaires français vous disaient : vous nous dites que c’est faux, on voudrait bien voir sur place, est-ce que vous les laisseriez ? Par exemple Raphaël Glucksmann, l’eurodéputé qui est le premier à mettre ce sujet sur la table et depuis a été banni et n’a plus de droit de venir en Chine. Est-ce que demain vous dites : Ok, venez avec une délégation pour voir ce qui se passe.R : On est ouvert. Ils sont bienvenus en Chine et au Xinjiang pour visiter où ils veulent aller. Q : Y compris Raphaël Glucksmann ? Il n’est plus banni alors ? R : Cela dépend. Depuis quelques années, la Chine a déjà invité plus d’un millier de personnes de tous les milieux d’une centaine de pays, journalistes, diplomates, officiels, organisations internationales, et dont des pays musulmans. Q : Si des parlementaires français veulent venir, vous dites oui ? R : Oui, pas de problème. Q : Un chercheur en cybersécurité qui s’appelle Jonathan Scott affirme que tous les téléphones des athlètes et des officiels qui viennent pour les JO sont espionnés par le biais de l’application que les autorités chinoises imposent à tous les participants à ces JO. Qu’est-ce que vous y répondez? R : Je pense que c’est un fake news. Q : C’est totalement faux ? R : Totalement faux. Q : D’où vient ce problème de confiance entre la Chine et une partie du monde, entre la Chine et le monde occidental ? Comment vous l’expliquez ça ? R : Il y a plein de confiance entre la Chine et le monde. Je pense que le monde, dans votre sens peut-être, ce n’est que le monde occidental. Mais le monde comprend plus de 193 pays. La Chine a de très bonnes relations avec presque tous les pays du monde. Q : Comme l’été dernier, ces JO qui s’ouvrent officiellement demain à Beijing vont être placés sous contrainte sanitaire pour cause de COVID. On est étonné de voir que la Chine a réussi à tellement bien être épargnée par le virus. Comment vous faites ? R : On a effectivement appliqué des mesures très strictes pour prévenir la propagation du virus. Une fois qu’on découvre des cas sporadiques, on va faire des tests, dépistage et isolement, mais ce sont des mesures très ciblées. Q : Les chiffres sont quand même étonnants. Vous êtes à 100 000 cas à peu près depuis le début de l’épidémie et 4 600 morts. Chez nous en France, on est à plus de 400 000 cas par jour et à plus de 130 000 décès sur un pays qui est infiniment plus petit. On est vraiment nul ou vous ne nous dites pas tout à fait la vérité ? Comment vous faites pour que l’épidémie est partie de chez vous? R : L’épidémie est déjà partie, mais le virus n’est pas encore parti. Il y a encore de temps en temps des cas sporadiques de contamination. Je pense que c’est une approche différente adoptée par les différents pays. En France vous avez votre approche, en Chine nous avons la nôtre. Q : Qu’est-ce qui fera que ces Jeux olympiques seront réussis pour vous ? R : Il y a beaucoup d’éléments. Tout d’abord, ce sont des athlètes de différents pays qui vont faire leur présentation excellente dans les compétitions. C’est le premier facteur qui fera la réussite des Jeux. Q : On souhaite que la fête soit belle. Merci beaucoup, Monsieur l’Ambassadeur d’être venu au Télématin. Je rappelle que la cérémonie d’ouverture sera à suivre demain en direct à 12h35 sur France 2 comme l’ensemble des épreuves de ces jeux.