文化广角 | La France au volant
La France au volant
Il faut se méfier des Français en général, mais sur la route en particulier.
Pour un Anglais qui arrive en France, il est indispensable de savoir d’abord qu’il existe deux sortes de Français : les à-pied et les en-voiture. Les à-pied exècrent les en-voiture, et les en-voiture terrorisent les à-pied, les premiers passant instantanément dans le camp des seconds si on leur met un volant entre les mains. (II en est ainsi au théâtre avec les retardataires qui, après avoir dérangé douze personnes pour s’asseoir, sont les premiers à protester contre ceux qui ont le toupet d’arriver plus tard.)
Les Anglais conduisent plutôt mal mais prudemment. Les Français conduisent plutôt bien mais follement. La proportion des accidents est à peu près la même dans les deux pays.
Les Anglais et les Américains sont depuis longtemps convaincus que l’avion va plus vite que la voiture. Les Français, et la plupart des Latins, semblent encore vouloir prouver le contraire.
On pourrait croire que l’appétit de vitesse du Français est fonction de la puissance de sa voiture. Erreur. Plus la voiture est petite, plus l’homme veut aller vite. En ce royaume des paradoxes, les automobiles les moins dangereuses sont les plus puissantes ; leurs conducteurs blasés étaient les seuls qui se paient le luxe de rouler lentement sans être dépassés par les autres.
Quant aux Françaises, il faut leur rendre justice : elles conduisent plus lentement que les hommes. Un Anglais pourrait donc en toute logique se croire plus en sécurité avec elles. Nouvelle erreur. Dans un pays où tout le monde va vite, cette lenteur constitue le plus terrible des dangers.
Pierre Daninos, Les Carnets du Major Thompson, 1954.
Sur ce livre
L’idée était simple, donc géniale: observer les Français. Ainsi sont nés Les Carnets du major Thompson, livre publié par Pierre Daninos en 1954 et devenu chef-d’œuvre. Certes, il y a plus qu’une idée simple, le talent de Daninos, son regard, son humour expliquent aussi l’extraordinaire succès de ces Carnets désormais traduits dans le monde entier.
Onze ans après la mort de Daninos, les éditions Bernard de Fallois ont eu l’heureuse idée de rééditer, en deux tomes, ces Carnets et une douzaine d’autres de ses titres. Une occasion de se replonger avec bonheur dans un style qui n’a absolument pas perdu de sa fraîcheur. Mieux, même le contenu, c’est-à-dire ce qu’il dit des Français reste incroyablement moderne - on pense évidemment au côté râleur. Il y a une autre chose qui demeure éternelle: les relations entre le peuple français et les Britanniques, car le très british major William Marmaduke Thompson (marié en secondes noces à une Française) aime à comparer les mœurs des deux côtés de la Manche. Il a décidé d’abandonner la chasse au tigre pour explorer « la jungle française » et consigne toutes ses remarques sur les « autochtones », leurs comportements, leurs qualités (un peu), leurs défauts (beaucoup). C’est très drôle et plein d’esprit.
On dirait un canular
L’histoire de l’origine de ces Carnets mérite d’être contée aussi et ressemble à son auteur. Dans la préface au premier tome, Étienne de Montety, le directeur du Figaro littéraire, en rappelle la genèse. On dirait un canular. Pour répondre aux vœux de Pierre Brisson, alors patron du Figaro qui voulait concurrencer L’Aurore, on fait appel à Pierre Daninos afin d’écrire une « série d’été ». Ce dernier invente de toutes pièces le major Thompson mais avec des accents de vérité à tromper le plus pertinent des lecteurs. De plus, Daninos se fait passer pour le traducteur du Major, avec des notes de bas de page et des désaccords sur certaines traductions, entre lui et l’auteur supposé à mourir de rire. Plus d’un demi-siècle après, Les Carnets du major Thompson sont étudiés dans les écoles. Et pas toujours en cours de littérature, l’écrivain est devenu sociologue.
Source:
https://www.lefigaro.fr/livres/2012/05/03/03005-20120503ARTFIG00832-pierre-daninos-les-carnets-du-major-thompson.php
(图片来自网络)
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